La belle histoire de Honda

Plutôt qu’un long plaidoyer qui ne satisferait que les déjà convaincus et ferait fuir les anti-de tous bords, je viens vous narrer une belle histoire des sports mécaniques et de leurs conséquences.
Contre toute attente, surtout pour ceux qui me connaissent, c’est une marque nipponne qui va me servir de vecteur pour démontrer l’intérêt majeur des sports mécaniques dans le développement industriel, économique et donc social d’un secteur essentiel qui est celui du moyen de locomotion individuel, symbole de liberté et d’autonomie.
Tout a commencé en 1954 lorsque le fondateur de la société Honda « Soichiro » a écrit à ses employés:
« Je vous annonce ma décision, et je donne ma parole que je mettrai tout mon cœur et toute mon âme, en utilisant toute ma créativité et les compétences nécessaires pour gagner le Tourist Trophy Isle of Man ‘ ».
Et il convient de noter que le TT était à cette époque la compétition internationale la plus prestigieuse.
« Je gagne »
Ces mots viennent juste après la visite de cette même année que Soichiro Honda fait au TT Isle of Man. Cependant, sa détermination venait de loin. Dans la même lettre aux employés, l’ingénieur et entrepreneur explique son rêve:
« Depuis que je suis un enfant, un de mes rêves a été de participer et de gagner à toutes sortes de sports mécaniques dans le monde entier avec des véhicules fabriqués par moi-même. Mais pour réaliser mes rêves, avant tout je me suis consacré aux questions de sécurité, à obtenir des machines de précision dotées d’un équipement adapté, et ainsi concevoir de meilleures réalisations. Pour cela, j’ai consacré toute mon âme, à travailler pour offrir à nos clients des véhicules pratiques de la plus haute qualité. C’est pourquoi à ce jour je n’ai pas pris le temps nécessaire à consacrer mon énergie au monde de la course « .
– 1954 : Honda défie le Tourist Trophy
Après s’être engagé à faire courir ses machines au TT, Soichiro Honda visite l’Île de Man. Le niveau de performance et de qualité technique des machines européennes l’impressionne et l’inquiète mais, paradoxalement, le rend plus déterminé que jamais. La base choisie par Honda pour parvenir à battre les européens était celle du bicylindre 125 4-temps RC141. C’est donc avec un intérêt non dissimulé que les ingénieurs japonais de l’université de Gunma se penchent sur le cas d’une FB Mondial italienne ramenée d’Europe, similaire à celle qui avait remporté le titre 1957. Confortés par le fait qu’il devait pratiquement doubler la puissance de leur moteur pour espérer remporter leur pari, les ingénieurs se mettent à travailler d’arrache-pied sur leur motorisation, mais aussi sur l’aérodynamique. Le facteur puissance sera résolu par l’adoption d’une culasse 8 soupapes avec deux arbres à cames en tête, entraînés par arbre et couples coniques. Quant à l’aérodynamisme, il sera travaillé dans la soufflerie de l’université de Tokyo et aboutira à la mise au point un carénage profilé en aluminium.
C’est ainsi qu’en 1959 l’équipe Honda – 5 pilotes, 5 machines type RC142 et leurs mécaniciens – débarquent sur le sol de l’Île de Man pour disputer le TT en catégorie « UltraLightWeight 125 » qui doit se courir pour la dernière fois sur le fameux tracé de 17,4 km connu sous le nom de « Clypse Course ». Alors que les pilotes essaient d’apprendre ce tracé difficile sur des machines de route, la présence de cette équipe japonaise – la première à s’engager au TT – constitue l’attraction du moment. Si les observateurs s’amusent de cette véritable flotte de bicylindres alignés comme à la parade avec leur curieuse fourche à balancier, chacun reconnaît l’audace et la qualité technique de ces machines, là où d’autres usines n’engagent souvent que de classiques monocylindres. Sans parler d’un niveau d’organisation et de professionnalisme jamais constaté jusqu’alors… La tension et le doute s’installent alors dans l’esprit de tous les concurrents. Au point que lorsque les essais s’achèvent sur des résultats très moyens, la rumeur court que les pilotes japonais ont volontairement rendu la main en prévision de la vraie course ! C’était oublier un peu vite qu’aucune des stars italiennes de l’époque ne fait partie du team et qu’il faut plus de quelques tours pour apprendre le circuit ! Mais il était également vrai que les Honda étaient en retrait en terme de puissance face aux Ducati, MV et autres MZ, et que leurs freins manquaient cruellement d’efficacité. De fait, Honda ne remporte pas les 10 tours de l’épreuve : le meilleur pilote de l’équipe, Naomi Taniguchi, ne finit que 6e à près de 7 minutes du tandem victorieux Tarquinio Provini et sa MV. Toutefois, le tir groupé des pilotes Honda (Taniguchi 6e, Giichi Suzuki 7e; Teisuke Tanaka 8e et Kunihoko Suzuki 11e) leur permet de remporter le titre par équipe et de faire preuve de la fiabilité des machines, un facteur primordial sur une épreuve telle que le TT.
L’équipe Honda retourne au Japon et s’attaque à l’objectif de l’année 1960 : mettre au point des 125 et des 250 encore plus puissantes et plus performantes pour conquérir le TT et les autres épreuves inscrites au calendrier mondial
Le constructeur y démontre son savoir-faire, avec des 125 cm3 extrêmement sophistiquées, dotées d’un bicylindre huit soupapes commandées par deux arbres à cames en tête.
Les motos de la marque connaîtront leur heure de gloire en 1964 avec les fameuses Honda-6, 250 et 350 cm3, qui atteignaient le régime-moteur de 18.000 tr/mn… une performance incroyable pour l’époque !
Les Honda de Grand Prix raflent alors tous les titres de 50 à 500 cm3.
Rien qu’en MotoGP/500, Honda a décroché 21 titres :
8 en MotoGP,
13 en 500!
6 titres en 350,
19 en 250,
15 en 125
et encore deux en 50cc
Au total 63 titres mondiaux !
Les composantes de la réussite économique d’une entreprise sont nombreuses et doivent être toutes performantes.
S’agissant de la réussite de Honda, l’opiniâtreté, la curiosité, le génie inventif, la capacité à produire, la rigueur d’organisation et de conception ont été des atouts majeurs.
Cependant, l’implication dans la compétition en général, moto puis automobile, a été le moteur incontestable de la notoriété, de l’essor et des succès de la marque nippone.
Les sports mécaniques ont été, et sont encore aujourd’hui, indiscutablement l’ADN de Honda.
Gilbert BARTH ( Inconditionnel des marques motos anglaises et italiennes des années 60,70,80.)